ParGaspard Couderc
Publié , mis à jour
Alors que la cérémonie des César a lieu ce vendredi 23 février, Paul et Samuel Kircher sont tous deux nommés dans la catégorie de la meilleure révélation masculine. Une première pour les fils d’Irène Jacob et Jérôme Kircher, amenés à une belle carrière sur le grand écran.
Émaillée de dynasties familiales, la grande histoire du cinéma a, souvent, fait la part belle à des membres de la même lignée. Si on pense aux frères Cohen aux États-Unis, la France n’est pas en reste avec Jalil et Yaniss Lespert ou encore Maiwenn et Isild Le Besco. Mais voir deux frères nommés dans la même catégorie aux César est tout bonnement inédit. Un évènement qui a lieu cette année à l’occasion de la 49e cérémonie, où Samuel et Paul Kircher ont tous deux été sélectionnés pour remporter la statuette de la meilleure révélation masculine, respectivement pour L’été dernier et Le Règne animal.
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Enfants de la balle
L’un porte les cheveux courts, l’autre une longue crinière. Malgré leur patronyme commun, ils ne se ressemblent pas et, leurs rôles sur grand écran n’ont rien à voir. Paul Kircher, 22 ans, a quatre films au compteur et déjà une nomination pour le meilleur espoir masculin, en 2023 pour Le Lycéen de Christophe Honoré.Son frère Samuel, 19 ans, n’a lui encore tourné que dans un seul film, L’été dernier de Catherine Breillat. Malgré leurs talents – évidents pour quiconque a vu leurs films – on ne saurait parler des Kircher sans mentionner leurs parents, acteurs eux aussi. Leur mère, Irène Jacob a remporté le Prix d'interprétation féminine au Festival de Cannes en 1991 pour La Double Vie de Véronique, alors que Jérôme Kircher a étudié au Conservatoire national supérieur d'art dramatique au milieu des années 1980 et a été nommé à quatre reprises aux Molière, tout en apparaissant dans plusieurs films dont Un long dimanche de fiançailles et La Famille Bélier.
Paul, le plus chevronné
Tutoyant les sommets à un âge précoce, les frères Kircher n’étaient pas forcément destinés à devenir les acteurs que l’on connaît désormais. Ainsi, Paul suit d’abord des études d’économie et de géographie à l’Université Paris-Cité, tout en participant à des stages d’été de théâtre, quand il est approché en 2019 pour jouer un des personnages principaux de T’as pécho?, une comédie romantique. S’ensuit un petit rôle dans la série Capitaine Marleau en 2020 puis l’année d’après, le vrai baptême du feu avec le film Le lycéen. Il y interprète un jeune homme qui vient de perdre son père et, appréhendant son homosexualité, se sent abîmé, plongé dans une léthargie qui, grâce au renfort de son frère (Vincent Lacoste) et de sa mère (Juliette Binoche) va finalement s’alléger.
Il explose ensuite dans Le Règne animal, réalisé par Thomas Cailley, présenté au Festival de Cannes et sorti en octobre dernier. Il y campe Emile, un adolescent quelque peu mal dans sa peau, qui va vivre à la campagne avec son père (Romain Duris) après que sa mère a été touchée par une maladie qui transforme les humains en créatures hybrides, mi-humaines, mi-animales. Père et fils partent à la recherche cette dernière, qui a disparu (comme un petit air de déjà-vu?), mais Emile va progressivement se transformer à son tour... en bête sauvage. Sans égal, son jeu volontairement gauche, mâtiné d’une suavité presque dépouillée, lui vaut des commentaires tous plus élogieux les uns que les autres.
Samuel, l’ingénu
Le plus jeune des Kircher s’est, lui, retrouvé à jouer dans L’Été dernier un peu par hasard. Le rôle, d’abord dévolu à son frère Paul, lui a été ensuite proposé: «À l'été 2021, mon frère venait d'apprendre qu'il était pris à la fois dans Le Lycéen, de Christophe Honoré, et Le Règne animal, de Thomas Cailley. Il n'était plus disponible pour jouer le film de Catherine Breillat, dont le tournage allait tomber en même temps», raconte-t-il au Monde , avant de préciser: «Catherine a donc repris le casting, mais n'a trouvé personne d'autre. Au printemps, elle est encore revenue vers Paul, elle tenait absolument à lui. C'est alors qu'il lui a suggéré de se tourner vers moi. Le tournage était imminent. En même temps que je passais le bac, je me suis aussi retrouvé à passer les essais.» Alors simple collusion? À en juger par l’exigence de la réalisatrice de 36 Fillette, il n’en est rien. Les éloges reçus rendent compte d’une réelle découverte. Dans le film, on suit Anne, une avocate jouée par Léa Drucker, qui tombe sous le charme de son beau-fils Théo, passé maître dans l’art de l’indolence. De cette relation incestueuse, on s’attarde surtout sur le jeune Samuel Kircher, confondant d’authenticité.
Ave César
Lorsque le 24 janvier dernier, l'Académie des César a dévoilé les nominations, on suppose sans trop se tromper que la famille Kircher devait être à la fête. Deux frères retenus dans la même catégorie, c’est une première, a fortiori en début de carrière. Il est question ici d’une - petite - révolution à l’échelle du cinéma français. Si on devait leur trouver un dénominateur commun, on pencherait pour l’expression, éculée mais non moins avérée, d’«acteurs nés«. Leurs jeux se rejoignent par un immense naturel, mais aussi une espièglerie qui se niche dans le regard comme dans la posture. Désarmants de sincérité, les Kircher semblent bel et bien lancés, pour un beau parcours dans le 7e art.